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créer une nouvelle langue poétique. » Flaubert a-t-il créé une langue ? n’a-t-il pas simplement élargi le moule de Chateaubriand ?

La langue poétique actuelle, née du génie de Victor Hugo, raffinée encore par les orfèvres du Parnasse, est un si merveilleux outil, qu’au dire de M. Théodore de Banville, l’homme le moins doué peut, grâce à elle, mettre sur leurs pieds des vers lisibles. La césure mobile, le rejet et surtout la rime riche ne donnent pas seulement d’étonnantes sonorités, mais, et cela vaut mieux, moulent exactement les circonvolutions de la pensée. La place des mots leur ajoute une puissance évocante dont, jusqu’au xixe siècle e siècle, notre poésie ne se doutait pas. Si de grands poètes tels que Lamartine ou Musset n’ont pas formé école comme Hugo, c’est que leur génie n’avait pas les mêmes ressources techniques, car ce sont les procédés transmis qui engendrent les écoles.

Supposez maintenant un large esprit, ouvert à l’observation et dans lequel s’impriment des visions modernes. Les gaufriers[1] de Victor Hugo sont aptes à recevoir ses idées, et s’il a une réelle originalité, il peut laisser de notre monde un tableau dont l’exactitude n’exclura pas la grandeur.

Œuvre trop vaste et trop dure pour H. François Coppée.

L’inspiration souffreteuse du Reliquaire et des Intimités, un peu teintée de baudelairisme, le poursuit ob- stinément.

Ce qu’on remarque tout d’abord chez lui, c’est un sentiment très spécial de l’amour, une sorte d’abandon voluptueux, de passivité féminine. Il se compare dans

  1. Mot de Gautier.