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…………………………Un génie
Qui fume, haletant d’un utile courroux,
Et dans l’oppression d’une ardente agonie,
Attache au vol du temps l’homme pensif et doux.


La poésie du xxe siècle, renouvelée par la science, devra se délivrer de telles entraves et se résigner à appeler les choses par leur nom, tout bonnement.

M. Sully Prudhomme cherche dans ses versa donner l"idée des choses, oubliant sans doute que la poésie n’a pas à lutter avec l’explication technique des livres de science, et que sa seule tâche est de donner une image fidèle des objets. L’image entraine l’idée àsa suite.

Plutôt que d’expliquer les découvertes modernes, que ne montrez-vous leur appareil stupéfiant.

M. Maxime Du Camp eut cette idée vers 1855, mais ses forces trahirent l’ouvrier de la régénération poétique. Toutes les vieilleries des antiques traînent dans ses vers. Je crois même qu’il donne la parole au chloroforme personnifié, avec un grand C. M. Sully Prudhomme, sans tomber dans ces puérilités, reste trop abstrait. Il commet, en outre, cette faute d’intervenir à tort et à travers par des réflexions obstruantes. L’impersonnalité du roman contemporain me semble désirable en poésie. De même il serait bon d’abandonner dans la poésie scientifique la pure description. Le plus beau décor ne peut faire oublier l’homme. Tout devient froid et terne quand les souffrances et les bonheurs de notre vie ne se mêlent pas aux choses ; le poème, autrement conçu, rappellerait l’abbé Delille : un Delille flamboyant.

Prenons donc les drames très simples et très poignants de l’humanité avec les milieux qui les encadrent. La respiration des soufflets de forge, le frou-frou soyeux des