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Il y a dans ces beaux vers une tendresse enlaçante et voilée.

M. Paul Bourget est souvent nébuleux et de souffle court. Il se complait dans une désespérance philosophique qu’il savoure voluptueusement.

On n’entend plus, dans ce concert de décadents, la note de M. Verlaine. Le poète Saturnien a trouvé, paraît-il, son chemin de Damas, en marchant de trop près sur les traces de Baudelaire. Il a troublé sa vie et brisé sa lyre. M. Verlaine fut pourtant pendant longtemps l’un des espoirs du Parnasse. Il partageait avec M. Coppée les sympathies naissantes du public. Mais il n’a plus maintenant que des cantiques sacrés.

Des jeunes remplacent ce vétéran du Baudelairisme. Tout récemment M. Albert Wolff nous a présenté une recrue de talent, M. Maurice Rollinat.

Chez M. Rollinat, l’inspiration de Baudelaire est plus apparente encore que chez ses aînés : elle ne se manifeste pas seulement dans le choix des sujets et des rhythmes, mais jusque dans l’expression.

M. Rollinat a divisé ses Névroses comme le maître avait divisé les Fleurs du Mal. Dès le début, l’obsession de l’infirmité humaine, le regard découragé sur les hommes et sur les choses On dirait un ascète, dévoré par l’inquiétude des jours solitaires, luttant contre ses passions comprimées, toujours terrifié par l’œil de Satan, crachant au monde son dégoût.


Pourquoi l’instinct du mal est-il si fort en nous ?

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Le meurtre, le viol, le vol, le parricide

Passent dans mon esprit comme un farouche éclair.


Ne croit-on pas entendre Baudelaire :


Si le viol, le poison, le poignard, l’incendie
N’ont pas encor brodé de leurs plaisants desseins