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« Avant de soulever les quatre coins du tableau, disait M. Pinard, permettez-moi de me demander quelle est la couleur, le coup de pinceau de M. Flaubert, car enfin son roman est un tableau, et il faut savoir à quelle école il appartient, quelle est la couleur qu’il emploie et quel est le portrait de son héroïne. La couleur générale de l’auteur, permettez-moi de vous le dire, c’est la couleur lascive, avant, pendant et après les chutes. Elle est enfant et se confesse. À cet âge-là, la montrer inventant de petits péchés dans l’ombre, n’est-ce pas faire une peinture lascive ? M. Flaubert a quelquefois des traits qui veulent beaucoup dire et ne lui coûtent rien… L’auteur n’a pas voulu suivre tel ou tel système philosophique, il a voulu faire des tableaux de genre, et vous allez voir quels tableaux ! ! !… M. Bovary, devenu veuf, songe à se remarier. Il lui vient tout de suite à l’esprit la fille d’un fermier… Ici le rôle de M. Bovary s’efface ; celui de madame Bovary devient l’œuvre sérieuse du livre… Messieurs, madame Bovary a-t-elle aimé son mari ou cherché à l’aimer ? Non… Rodolphe avait eu beaucoup de succès auprès des conquêtes faciles… La fièvre tua l’amour, mais resta la malade… La chute avec Rodolphe avait été suivie d’une transition religieuse, mais elle avait été courte ; madame Bovary va tomber, de nouveau… Le mari avait jugé le spectacle utile à la convalescence de sa femme et il l’avait conduite à Rouen… Il ne lui reste plus qu’une issue. De s’excuser auprès de son mari ? Non. De s’expliquer avec lui ?… La transition religieuse entre les deux adultères… Initié dans le secret… Après sa première faute, après ce premier adultère, après cette première chute, est-ce le remords qu’elle éprouva, au regard de ce mari trompé qui l’adorait ? Non. Voilà, Messieurs, qui est bien plus