Page:Desprez - L’Évolution naturaliste, 1884.djvu/279

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


II


BAUDELAIRE ET LES BAUDELAIRIENS

Baudelaire est un sphinx qui attire les jeunes gens par le mystère de ses yeux de velours, par la sensualité de ses lèvres charnues et de son nez aux larges narines aspiratrices, par l’ombre de son grand front coupé d’un inquiétant pli droit, par la câlinerie féline de son demi-sourire ; sa poésie ressemble à ces parfums concentrés qui suffoquent d’abord, auxquels on s’habitue peu à peu, et dont bientôt on ne peut plus se passer ; ses pensées enlacent, ses rhythmes obsèdent.

Un tel poète ne naît que dans les civilisations avancées. Il exprime des nuances d’idées et de sensations d’une variété et d’une complexité extrêmes. L’odeur des pourritures et des boues remuées s’unit dans son œuvre à des senteurs de musc et de benjoin, à de molles émanations de chair mûre. Baudelaire trouve des ex-