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et donne aux forme entrevues des blancheurs surnaturelles. Un Henner.

M. Joséphin Soulary est, par excellence, l’artiste du sonnet, le maître du genre. Un puriste, enragé de concision, parfois obscur, logeant toujours une pensée dans ses quatorze vers qu’il compare à une robe de bal, étroite et craquante. Mais comme l’étoffe colle à la chair et en moule bien les rondeurs voluptueuses ! Tel sonnet de M. Soulary vaut mieux qu’un long poème.

M. Catulle Mendès a longtemps eu pour spécialité la poésie hyperboréenne. Les tourmentes de neige, le ciel bas et froid, les horizons morts, aux symétries désolantes, lui inspirent des rimes embrumées et glaciales qui donnent le frisson. Un voyageur poète pourrait découvrir une poésie inexplorée dans la nouveauté des cieux barbares[1], mais je soupçonne fort M. Catulle Mendès de n’avoir jamais quitté le coin de son feu.

La nouvelle poésie cosmopolite sera peut-être une des singularités du xxe siècle. Les Lesseps, les Roudaire, les Stanley, les Brazza ayant accompli leur œuvre et percé de voies ferrées l’incivilisation des terres vierges, les peintres et les poètes occidentaux iront boire le thé et fumer l’opium dans une jonque, sur le Fleuve Jaune, au milieu de la pluie rose des fleurs de pêchers et du peinturlurage des horizons de porcelaine ; d’autres planteront leur tente au bord des cataractes du Congo parmi les jeunes peuples d’ébène ; il y aura l’école africaine et l’école du Japon, comme il y a l’école de Rome et l’école d’Athènes.

Mais je dois me borner aux noms principaux. Ce n’est pas que les poètes manquent, Dieu merci. Leur

  1. Je pense au très original et très aveuglant coloriste, Pierre Loti.