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cadavre. Il y eut des procès mal engagés, perdus ; bref, la fortune de la famille y passa. On fut obligé de vivre avec parcimonie et de se servir soi-même. Les plus lointains souvenirs de M. Emile Zola re- montent à cette époque. La mort de son père, dans le tohu-bohu d’un hôtel, à Marseille, lui a dicté une page touchante. La vie de l’enfant, dans un intérieur modeste d’Aix, au milieu des grands parents maternels accourus de leur lointaine province, sous les yeux de cette mère qui devait assister aux luttes et aux succès de son fils, fut très heureuse et très libre. Au collège d’Aix , M. Zola rencontra ses premiers amis, Cézanne et Baille. Dès sa douzième année, le futur auteur des Rougon-Macquart dosait le travail, et ce système de marches modérées, qui permet les grands voyages, lui réussissait déjà. On se délassait par des promenades ou des parties de chasse à trois, prétextes à de longues causeries coupées parla déclamation des poètes. Qu’auraient-ils chassé ? la campagne provençale est si pauvre en gibier que les bourgeois désireux d’utiliser leur poudre jettent en l’air leurs casquettes et les criblent de plomb. Les trois amis s’oubliaient le plus souvent sous un arbuste, à l’ombre, les jours où l’ardent soleil de Provence, flam- boyant au fond d’un ciel obstinément bleu, emplissait l’atmosphère d’une poussière d’or. Et là, dans le large silence de la campagne assoupie, ils scandaient des vers. Par la pluie ils se réfugiaient dans quelque grotte ou dans une chambre d’auberge isolée et discutaient en regardant tomber l’averse. De la contemplation habituelle de ces horizons brûlés et poudreux où souffle parfois un vent âpre, M. Zola a gardé un sens très vif de la nature et surtout de la nature ardente du midi.