Page:Desprez - L’Évolution naturaliste, 1884.djvu/19

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Le style sec et précis de Beyle, sans harmonie et sans couleur, contraste avec l’enflure de Balzac. Jusqu’ici Beyle n’a pas fait école ; il est resté isolé, beaucoup plus voisin de Mérimée que de nos romanciers actuels, et cet isolement s’explique sans peine ; les esprits du genre de Stendhal sont exceptionnels et la sécheresse séduit peu. Du reste, qui n’est pas artiste ne saurait fonder une école.

Il fallait que Flaubert vînt, avec ses outils de styliste merveilleux, son exactitude et son impersonnalité savante pour condenser en un livre les règles du roman naturaliste.

On sait quelle énorme influence a eu Madame Bovary sur le roman de notre époque. Non seulement des milliers d’œuvres sont sorties de la formule si puissante de Flaubert, mais le premier chef-d’œuvre a eu la bonne fortune d’enfanter d’autres chefs-d’œuvre, — chose peut-être unique.

Étudier dans toutes ses transformations l’école naturaliste, de la manière précieuse des frères de Goncourt à la manière franche et brutale de M. Émile Zola, suivre le progrès des tendances nouvelles au théâtre et dans la poésie, voilà le but de ce livre.

Un roman n’est plus une fantaisie de l’imagination pour amuser les femmes, mais bien une œuvre sérieuse, dont tous les détails sont vérifiés, et où les fureteurs du siècle prochain retrouveront, écrite au jour le jour, l’histoire de notre temps. M. Taine,