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ses veines, on a besoin de repos, de calme, on se refuse au mouvement. M. Zola craint toute décision, et ne cherche à dominer que dans les choses de l’esprit. Il n’est pas voyageur. Il dit lui-même en souriant qu’ar- rivé dans une ville, au lieu de la visiter, il déploie son papier sur la table d’auberge et se met à écrire. Il passe sa vie à Médan. Son cabinet, haut de plafond comme une église, occupe tout un étage de la maison. D’un côté, s’ouvre une large baie cintrée qui donne sur un balcon. Les petites vitres de l’immense fenêtre res- semblent à celles de certains palais du xv e siècle ; du côté opposé, des vitraux de couleur laissent filtrer dans la pièce un jour tamisé. Au fond, de ce même côté, s’étale un divan très bas dans une large alcôve encadrée par deux portes. Au-dessus du divan, une sorte de tribune, un second étage pratiqué dans la chambre même, et où l’on monte par un escalier dissimulé, à gauche. Cette tribune, éclairée, elle aussi, comme l’alcôve, par des vitraux de couleur longs et étroits, est garnie d’armoires qui servent de bibliothèque. La pièce s’encombre de meubles riches, d’armures suspendues aux parois. Deux immenses magots en bronze se dressent entre le divan et le secrétaire. M. Zola est romantique chez lui ; il affectionne les chinoiseries et les bibelots du Japon. Ce goût lui a sans doute été légué par M. Edmond de Goncourt, grand amateur, ou par Edouard Manet, cet enlumineur japonais très original, égaré parmi nous. Le balcon plonge sur de superbes campagnes, large- ment arrosées et de verdure luxuriante. La sève déborde et gonfle les arbres comme dans le Paradou. Rien ne manque à la vue, ni les vastes pâturages où beuglent les grands bœufs enfouis au milieu des herbes hautes,