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<nonwik/> rappelle assez la physionomie d’un de ces soldats romains qui conquirent le monde. » La parole est lente et douce, un peu zézayante ; le front qui se plisse à l’infini reflète la moindre accen- tuation. J’ai vu M. Zola dans son cabinet de Médan, revêtu d’habits d’hiver en plein été ; pantalon et veste en velours marron, un foulard blanc négligemment attaché au cou, jouant avec un lorgnon dont sa myopie se passe volontiers. L’expression parfois dure de cette physionomie indique bien des souffrances passées auxquelles les illusions sont venues se briser une à une. Dans tout poète amer se cache un rêveur tendre. La méchanceté et la bêtise humaines ont aigri, pour le plus grand bien de la littérature française, l’optimiste des Contes à Ninon. Les Rougon-Macquart sont imprégnés d’une morosité forte. Toutes les pages vibrent d’une sourde colère. Sous le naturaliste couve un satirique contenu. Dans Pot-Bouille percent bien des sarcasmes. La misanthropie domine le romancier jusqu’en ses velléités d’optimisme [1] . Le dégoût et l’indignation d’un homme pour qui la vie a été dure éclatent dans ces livres où le « révolté » jette à la tête de la société toutes ses hontes hypo- crites. D’ailleurs, ce critique violent, ce romancier âpre, reste assez apathique dans la vie courante. Ce n’est pas un homme d’action, mais un homme de rêve. La nature a de ces revanches. Plus d’un audacieux nova- teur n’use de volonté que pour arriver à son but, indif- férent à tout le reste. Quand on dépense son activité sur un point et qu’on infuse à son œuvre le sang de

  1. Voir Au bonheur des dames.