Page:Desprez - L’Évolution naturaliste, 1884.djvu/18

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vant que Victor Hugo. Il s’est mis, lui, résolument, à l’œuvre démocratique du temps. Un instinct de génie l’a guidé. Docteur ès-sciences sociales, comme il s’appelait, il a tout vu, tout pénétré, tout reproduit. Son livre, la Comédie humaine, est un monde où la pensée s’égare, un immense édifice inachevé où se heurtent des personnages qui se sont assis à notre table et que nous avons rencontrés dans la rue. Mais ces personnages, comme l’a très bien fait remarquer Hugo, ont « je ne sais quoi d’effaré et de terrible, mêlé au réel. » Balzac manque de ce calme, de ce goût scrupuleux de vérité que nous exigeons des romanciers contemporains. Il mêle le rêve à l’observation, s’abandonne aux grossissements, ne dédaigne pas, «à travers toutes les réalités brusquement et largement déchirées, de laisser tout à coup entrevoir le plus sombre et le plus tragique idéal ![1] » Son style, difficilement forgé, offre un mélange sans second de l’exquis et du pire, du grotesque et du délicat.

Stendhal que M. Taine amis en pleine lumière, réparant tardivement l’oubli des contemporains, semble aussi l’un des pères du naturalisme. Mais si nos romanciers lui ont emprunté son analyse ténue, admirable de sagacité, je crains qu’ils ne lui aient pris quelquefois son excès de logique, et la logique ne supplée pas à l’observation.

  1. Victor Hugo.