Page:Desprez - L’Évolution naturaliste, 1884.djvu/17

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de Napoléon, on peut affirmer que la démocratie commençant à s’établir, la littérature devait facile- ment se transformer. Livrés à nous-mêmes, peut- être eussions-nous pataugé moins longtemps dans ce chaos qui suit les révolutions et dans les impor- tations exotiques.

À peine née, sous l’impulsion d’un bras puissant, la jeune littérature s’enfonce en des sentiers bizarres. Victor Hugo avait tant crié dans la bataille : Plus d’entraves ! plus de genres ! plus de règles ! qu’inconsciemment il oublia cette éternelle vérité proclamée bien haut dans la préface de Cromwell : « Les lois générales de la nature planent sur l’art tout entier. » Il s’abandonna dans le drame et dans le roman, à la fantaisie de son imagination, étouffa les fantoches, fils de son cerveau, sous les opulents pourpoints, la riche orfèvrerie, la splendeur des monuments. Quelqu’un a comparé, fort justement, l’art romantique aux peintures byzantines : c’est le même écrasement d’une figure, pâle parce qu’elle n’est pas réelle, sous l’amoncellement des étoffes chatoyantes. Et le grand poète, obéissant à la logique de son talent, s’est de plus en plus écarté de la grande route. Aujourd’hui, déjà dans l’immortalité, il semble au milieu de nous la ruine superbe d’un monde disparu et nous le saluons avec un respect dont on entoure seulement les morts.

Balzac, tué par son œuvre, en 1850, est plus vi-