Page:Desprez - L’Évolution naturaliste, 1884.djvu/16

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mais, pour ces effusions lyriques, la sécheresse et la simplicité classique ne sauraient suffire. Chateaubriand, continuant Rousseau, vient de donner à la prose une allure très large. Cette langue assouplie, puis simplifiée, sera la langue du XIXe siècle ; elle peindra, elle aura des attitudes sculpturales, elle donnera même l’impression des odeurs. Le moule est bon, prêt aux perfectionnements. Seul, le vieux vers classique reste intact, et c’est du vers qu’ont surtout besoin les novateurs lyriques.

1830 donne à l’antique littérature la secousse que 89 et 93 ont donnée à l’antique société. Victor Hugo est à la fois un Mirabeau et un Robespierre. Il jette à bas les vieilles périphrases et délivre les mots qu’elles emprisonnaient.


     … Pas de mot où l’idée au vol pur
Ne puisse se poser tout humide d’azur[1].


J’y insiste. L’insurrection romantique attaquait surtout la forme surannée, le style et les moules d’autrefois ; pour notre littérature, 1830 est synonyme d’affranchissement. Sans un quart de siècle de bouleversements, cette révolution se serait produite plus tôt. Mais un arbre toujours transplanté pousse lentement.

On a beaucoup parlé de l’influence des littératures étrangères. Sans nier les horizons nouveaux que nous ouvrirent les guerres de la République et

  1. Victor Hugo. Contemplations.