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Bastille littéraire du XVIIe siècle continue à emprisonner la pensée ; ce qui fut une force devient une gêne.

Quelques isolés s’insurgent. Diderot lance des pierres dans la place, et avec son cynisme langrois, siffle les invalides qui la gardent ; son esprit clair lui donne la formule de l’art nouveau : « de l’eau du ruisseau jetée sur la toile. » Mais ce critique est insuffisant dans l’exécution. S’il a la hardiesse de jeter à la voirie les princes et les confidents de la tragédie, s’il substitue au vers pompeux la prose de Molière, le philosophe ne sait se défendre des thèses larmoyantes qui font de lui l’ancêtre direct de M. Alexandre Dumas fils ; l’intention utilitaire gâte sa besogne, et l’élément démocratique ne pénètre dans son drame qu’aux dépens de la vérité.

Solitaire et bougon, Rousseau ébauchait dans son coin une œuvre bien plus grosse de conséquences. Il introduisait dans l’art la nature matérielle jusque-là bannie. On entendait dans sa prose musicale des gazouillis d’oiseaux ; au travers de ses périodes, on apercevait de vertes branches ou le soleil flambant dans le ciel du matin. Début de l’envahissement des choses. Les plantes parasites, devenues géantes, vont étreindre le vieil édifice idéaliste, le disjoindre pierre à pierre, devenir forêt sur son écroulement.

Ce n’était plus la passion de l’autre siècle, raisonnant jusque dans ses plus violents écarts, con-