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et il ne peut y avoir de langue immuable, parce que les sociétés sont toujours en évolution. Dans la France de Louis XIV a germé une poésie pondérée, qui ne pouvait germer que là, les époques d’exact équilibre étant lentement atteintes et vite dépassées. Au XVIIe siècle, les foules ne savaient pas lire ; on ne s’inquiétait pas d’elles. Nos grands classiques ont écrit pour l’amusement de la Cour qui les pensionnait. Partant, ils ont créé une poésie aristocratique presque aussi énigmatique pour les masses actuelles que les lettres latines ou grecques. Trois classiques seuls, Molière, La Fontaine et Saint-Simon, plus largement humains que la plupart des écrivains de leur temps, font à cette règle quelque exception. Et encore serait-il téméraire d’en conclure qu’ils ne furent point dominés par le caractère général de l’époque, car les plus grands génies ne sauraient détruire la fatalité des circonstances.

Nourris de Descart.es. considérant surtout dans l’homme le mécanisme cérébral, Corneille, Racine, Bossuet et La Bruyère sont proprement des idéalistes.

Au XVIIIe siècle, toute l’ancienne France craque sur ses bases. L’aristocratie s’effondre avec la royauté, et, sous la poussée des philosophes, l’esprit humain fait un demi-tour. Pourtant, l’antique formule, si puissante, imposée par l’admiration et parle respect, résiste. Voltaire, ce moqueur, n’ose porter la main sur les trois unités et les solennités tragiques. La