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  LIVRE II. 40



IIII.


Las! trop injuste Amour, veux-lu ja,mais cesser!
N'as-tu point d'autre but qu'un coeur plein d'innocence!
Je reconnois assez ta divine puissance,
Et suis tousjours tremblant, craignant de t'ofrencer.

Ai-je un seul lieu sur moy qui te reste à perçer !
Suis-je pas tout couvert des traits de ta vengeance?
Et tu laisses, coùard, ceux qui font resistance,
Pour sus mOf, ton subjet, ta colere passer.

Je sors d'une prison, tu r'enchaisnes mon ame;
Je suis gllari d'un trait, un autre me r'entame;
Eschapé du peril, j'entre en plus grand danger.

Quand je pense estre seur des flots et de l'orage,
Que je suis près du port, que je voy le rivage,
Tu repousses ma nef et la fais submerger.


V.


o mon petit livret, que je t'estime heureux!
Seul tu cueilles le fruit de mon cruel marlire,
Ton contentement croist quand mon tourment empil'e,
Et ton heur est plus grand, phu je suis douloureux.

Tu retiens doucement ces beaux yeux rigoureux,
Dont il Caut qu'à regret sans coenr je me retire;
Tu vois tous les trésors de l'amoureux empire
Et reçois tous les biens dont je suis desireux.

Tu couches tous les soirs aupres de ma de~sse,
lIais, las! en y pensant, ce souvenir me blesse,
Je suis de jalousie ardamment aIlUln~.

Car, hé! que sçay-je, mOl, si l'Amour par cautelle
S'est point ainsi luy-mesme en livre transformé,
Pour luy baiser le sein et coucher avec elle?