Page:Desportes - Premières œuvres (éd. 1600) I - Diane. Premières Amours.djvu/84

Cette page n’a pas encore été corrigée
  DIANE,  


Et le paradis où j'aspire,
C'est d'estre tousjours amoureux.


PLAINTE.


Quand je pense aux plaisirs qu'on reçoit en aimant,
Et que le feu d'amour est une vive flame,
Qui fail mou,·oir l'esprit et qui réveille rame,
Rien ne me plaist si fort que ,'estat d'un amant.

Mais, quand je voy qu'Amour ses sujets tyrannise,
Qu'Hies tient prisonniers, qu'il les paist de douleurs;
Quand j'oy tant de regrets, quand je voy tant de pleurs,
J'estime bien-heureux qui garde sa franchise.

oDieu 1que de douceur de croire asseurément
Que l'unique beauté, qui nostre aIne a ravie,
Aupres de no'tre amour n'estime riE'n sa vie r
Lors il n'est rien si doux que l'estat d'un amant.

Mais, si l'on trouve apres que c'est toute feintise,
.:t que son coeur volage est ailleurs diverty,
Tout ce premier plaisir en rage est converty :
Il est donc bien-heureux qui garde sa franchise.

C'est pourtant un grand beur que d'aimer hautement,
Car un esprit divin tend aux choses bautaines,
Puis mille beaux pensers adoucissent les paines :
JI n'est donc rien si doux que l'estat d'un amant.

Ou)', mais le grand peril suit la grande entreprise,
Et 'lui monte bien haut peut bien bas tresbucher;
Et puis en se brûlant il faut son feu cacher:
11 est donc bien-heureux qui garde sa franchise.