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  DIANE,  


Il croist de jour en jour sans espoir mon martyre.
Il me fait voller haut sur des ailes de cire,
Puis me fait trébucher quand je vay m’élevant.
Il me rend si pensif, que je me trouve estrange,
Et fait que ma couleur en plus palle se change,
Seiche comme la fleur qui a senty le vent.
Helas! je change assez de teint et de visage,
Mais je ne puis changer cet obstiné courage
Qui me rend pour aimer tristement esperdu !
L’amoureuse poison tous mes sens ensorcelle,
Et ce que j’ay du ciel, que mon esprit rebelle,
Est en pleurs et en cris pauvrement despendu.
Soit de jour, soit de nuict, jamais je ne repose;
Je ronge mon esprit, je resve, je compose,
J’enfante des pensers qui me vont devorant.
Quand le jour se depart, la clairté je desire;
Je souhaite la nuict lorsqu’elle se retire,
Puis, attendant le jour, je languis en mourant.
Dès que l’aube apparoist, je me pers aux vallées,
Et dans le plus espais des forests recelées,
Pour, sans estre entendu, plaindre ma passion,
I'esmeu l’air et le ciel de ma douleur profonde,
Et bref, en me lassant, je lasse tout le monde,
Sans que cest inhumain en ait compassion.
En ce lieu je my fin à mon triste langage :
Car mille gros soupirs, qui gardaient le passage,
Par où coulait ma voix, l’empeschoient de sortir;
Puis je frémissoy tout de voir mon adversaire
Qui trepignoit des piés, qui bouilloit de cholere,
Me menaçant tout bas d’un tardif repentir.