Page:Desportes - Premières œuvres (éd. 1600) I - Diane. Premières Amours.djvu/73

Cette page n’a pas encore été corrigée
  LIVRE I. 28


Car un parfait poète est tousjours amoureux.

o Dieu puissant et bon, seul sujet de ma lyre,
Si jamais que de toy je n'ay rien voulu dire,
Et si ton t'eu divin m'a tousjours allumé,
Donne-moy pour IOYPf qu'un jour je puisse faire
Un oeuvre à ta loüange éloigné du vulgaire,
Et qui ne suive point le trac accoustumé.

Purge-moy tout par lout, le coeur, l'esprit et rame,
Et m'eschautfe si bien de ta divine flame,
Que je puisse monstrer ce que je vây suivant,
Et que l'amour, volant qui jusqu'au ciel m'emporte,
Apres la beauté sainte, est bi~n d'une autre sorte
Que l'aveugle appetit qui nous va decevant.


PROCEZ CONTRE AMOUR
au siege de la raison.


Chargé du desespoir: qui trouble ma pensée,
Entre mille douleurs dont mon aroe est pressée,
Par la rigueur d'Amour, dans sa dure prison,
Un jour, ne pouvant plus supporter ses alarmes,
Ayant l'oeil et le coeur gros d'ennuis et de larmes,
Je le fay convertir au siege de Raison.

Là je me presentay si changé de visage,
Que, s'il n'eust eu le coeur d'une fere sauvage,
Je pouvoy 1'esmouvoir et le rendre adoucy;
Puis confus et tremblant, avec la contenance
D'un pauvre criminel pres d'ouïr sa sentence,
Parlant à la Raison, je me suis plaint ainsi: