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  LIVRE I. 22


Tel pleurs, ta contenance, et la triste langueur
Qui se lit sur ton front, contraindront sa rigueur,
Si son coeur n'est cruel autant comme elle est belle.

DESPORTES.

Las! Amour, je ne puis. Le coup que je reçoy,
M'éloignant de ses yet.lX, me olet si hors de moy,
Que Ina langue ne peut former une parole.
Je ne fay que crier, g~r et soupirer.
Les petites douleup('Se peuvent declarer,
)Jais non le desespoir qui rend mon ame Colle.

AMOUR.

Dien donc, puisqu'il te plaist, je m'en vay la trou,oer,
Mais je me veux armer, afin de n'esprouver
Ses yeux, qui, tant de fois, m'ont jà pensé conll·aind.'e.
Tes tourmens me Cont peul' d'essaye.' leur effort.
Conte moy cellendant quel est ton déconfort,
Et cie quelles rigueurs pour toy je me dois. plaindre.

DESPORTES.

Amour, Roy des esprits, à ton gré flecbissans.
Qui luy peut mieux conter les douleurs que je sans
Que toy, qui les fais naistre en mon ame captive?
Qui luy peut mieux monstrcr ma constance et ma foy
Que sa rigueur extresme! et qui peut mieux que lo)"
Amollir ceste dame, ains ceste roche vive!
Dy-Iuy le desespoir où je me ·voy reduit,
Or' qu'un depart forcé loing d'elle me conduit
Et qu'une mort prochaine est ma seule esperance.
Apres coujure-la, par ma ferme amitié
Et par ses doux regars qui promettent pitié,
Qu'elle ait aucnnesfbis de mon dueil souvenance.