Page:Desportes - Premières œuvres (éd. 1600) I - Diane. Premières Amours.djvu/45

Cette page n’a pas encore été corrigée
  LIVRE I. 14



XLVIII.


Les premiers jours qu'Amour range sous sa puissance
Un coeur qui cllerement garde sa liberté,
Dans des filets de soie il le tient arresté,
Et l'émeut doucement d'un feu sans violence:

Mille petits Amours luy font la reverflnoe;
Il se bagne en liesse et en felicité;
tes jeux, la Inignardise et la douce beauté
Voilent tousjours devant, quelque part qu'il· s'avance.

Mais, las! presque aussi-tost cet heur se "a pprdant,
la prison s'étrecist, le feu devient ardent,
Les filets sont changez en rigoureux cOl'dagf'.

Venus est une rose espanie au soleil,
Qui contente les yeux de son beau teint Yerm~iI,
Et qui ca~he un aspic sous un· plaisant fueillage.


XLIX.


Ces eaux qui, sans cesser, coulent dessus ma faep,
Les témoins dpcouverts des couvertes douleurs,
Diane, helas l ,·oyez, ce ne sont point des pleurs :
Tant de pleurs dedans moy ne sçauroient trouver place.

C'est une eau que je fay, de tout ce que j'amasse
De vos perfections, et de cent mille fleurs
De \'os jeunes beautez, y m~slant les odeurs,
Les roses et les lis de vostre bonne grace.

Alon amOllr sert de feu, Inon coeur sert de fourneau,
I.e "ent de mes soupirs nourrit sa vehemence,
Iron oeil sert d'alambic par où distile l'eau.

Et d'autant que mon feu est, violant et chaud,
Il t'ait ainsi monter tant de vapeurs en haut,
Qui coulent par mes yeux en si grand' abondance.