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  LIVRE I. 11



XXXVII.


Amour, quand fus-tu né ? Ce fut lors que la terre
S'esmaille de couleurs et les bois de verdeur.
De qui fus-tu conçeu ? D'une puissante ardeur
Qu'oisiveté lascive en soymesmes enserre.

Qui te donne pouvoir de nous faire la guerre ?
les divers mouvemens d'esperance et de peur.
Où te retires-lu? Dedans un jeune coeur
Que de cent mille traits cruellement j'enserre.

De qui fus-tu nourry ? D'une douce bpauté,
qui eut pour la servir jeunesse et vanité.
De quoy te repais-tu? D'une belle lumiere.

Crains-tu point le pouvoir des ans et de la Mort ?
Non; car, si quelquefois je meurs par leur effort,
Aussitost je retourne en ma forme premiere.


XXXVIII.


Celle à qui j'ay sacré ces fleurs de ma jeunesSf',
Iles vers (enfansdu coeur), mon service et ma fo~',
flar qui seule j'espereo, en qui seule je croy,
Des Jardins~, c'est ma conr; ma royne et ma prinoe8se.

Ceux qui sont alterés d'honneurs ou de richt'ssfJ,
Importuns feront presse à la suite du roy;
Les hiens et la grandeur que je brigue pour mo~',
f.'est de finir ma vie en servant ma maistresse.

Tout ce qui vit au monde, aux destins se rang('anl,
Est serf de la fortune ou serfde son argent,
14a peur le tyrannise, ou quelque autre manie:

C'est une loy forcée. Or. quelle autre prison
l'ou\'oit plus di~rnement captiver ma raison
Qu'une jeune deesse en beautés infinie?