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XXV.

Lors que le trait par vos yeux decoché
Rompit le roc de ma poitrine dure,
Ce meſme trait dont vous m’auiez touché,
Dans mon eſprit graua voſtre figure.

Vous n’auez rien de rare & de caché,
De beau, de ſainct, du Ciel & de nature,
Qu’Amour ſubtil n’ait par tout recherché,
Pour faire en moy voſtre viue peinture :

Bref, mon eſprit ardant d’affections,
Eſt vn miroir de vos perfections,
Où vous pouuez vous voir toute depeinte.

Si ma foy donc ne vous peut enflamer,
À tout le moins vous me deuez aimer
Pour le reſpect de voſtre image ſainte.


XXVI.

Mon Dieu mon Dieu que i’aime ma deeſſe,
Et de ſon chef les treſors precieux !
Mon Dieu mon Dieu que i’aime ſes beaux yeux,
Dont l’vn m’eſt doux, l’autre plein de rudeſſe !

Mon Dieu mon Dieu que i’aime la ſageſſe
De ſes diſcours qui rauiroyent les Dieux,
Et la douceur de ſon ris gracieux,
Et de ſon port la Royale hauteſſe !

Mon Dieu que i’aime à me reſouuenir
Du temps qu’Amour me fiſt ſerf deuenir,
Touſiours depuis i’adore mon ſeruage !

Mon mal me plaiſt plus il eſt violant,
Vn feu ſi beau m’eſgaye en me brûlant,
Et la rigueur eſt douce en ſon viſage.