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XX.

L’aſpre fureur de mon mal vehement
Si hors de moy m’etrange & me retire,
Que ie ne ſçay ſi c’eſt moy qui ſoupire,
Ny ſous quel ciel m’a ietté mon tourment.

Suis ie mort ? Non, i’ay trop de ſentiment,
Ie ſuis trop vif & paſſible au martyre.
Suis ie viuant ? Las ie ne le puis dire
Loin de vos yeux par qui i’ay mouuement !

Seroit ce vn feu qui me brûle ainſi l’ame ?
Ce n’eſt point feu : i’euſſe eſteint toute flame
Par le torrent que mon dueil rend ſi fort.

Cômment, Belleau, faut-il que ie l’appelle ?
Ce n’eſt point feu que ma peine cruelle,
Ce n’eſt point vie, & ſi ce n’eſt point mort.

CHANSON.


CEUX qui peignent Amour ſans yeux
N’ont pas bien ſa force cogneue,
Il voit plus clair qu’aucun des Dieux :
Las i’ay trop eſſayé ſa veue !

Souuent en penſant me ſauuer,
Ie m’egare aux lieux ſolitaires :
Mais il ne faut à me trouuer
Dans les plus ſauuages repaires.