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XVIII.

Ny les dédains de ſon ieune courage,
Moqueur d’Amour & de la deïté ;
Ny mon deſir trop hautement porté,
Ny voir ma mort eſcrite en ſon viſage :

Ny mon vaiſſeau preſt à faire naufrage,
Le maſt rompu, ſans voile & ſans clairté :
Ny les ſoucis dont ie ſuis agité,
Ny la fureur du feu qui me ſaccage :

Ny tant de pleurs ſans profit reſpandus,
Ny ſes propos qui me ſont defendus,
Ny de mon mal auoir la cognoiſſance,

Ny la rigueur d’vn triſte eloignement
Me ſortiront de ſon obeiſſance.
Douce eſt la mort qui vient en bien aimant.


XIX.

Las ! que me ſert de voir ces belles plaines
Pleines de fruicts, d’arbriſſeaux & de fleurs ;
De voir ces prez bigarrez de couleurs,
Et l’argent vif des bruyantes fontaines ?

C’eſt autant d’eau pour reuerdir mes peines,
D’huile à ma braiſe, à mes larmes d’humeurs,
Ne voyant point celle pour qui ie meurs
Cent fois le iour de cent morts inhumaines.

Las ! que me ſert d’eſtre loin de ſes yeux
Pour mon ſalut, ſi ie porte en tous lieux
De ſes regars les ſagettes meurtrieres ?

Autre penſer dans mon cœur ne ſe tient :
Comme celuy qui la fiéure ſouſtient,
Songe touſiours des eaux & des riuieres.