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  DIANE,  


XIIII.

Las ! qui languit iamais en ſi cruel martyre,
En ſi penibles nuicts, en ſi malheureux iours ?
Qui s’égara iamais dans ſi confus deſtours
Qui iamais recongneut ſi rigoureux Empire ?

Ie souffre vn mal preſent, i’en doute encor vn pire :
Ie voy renfort de guerre, & n’attens nul ſecours :
Mes maus sõt grãs et forts, mes biẽs foibles et cours
Et plus ie vais auant, plus ma douleur ſ'empire.

À toute heure en tous lieux, de tout ie me déplais,
La nuict eſt mon ſoleil, le diſcord eſt ma paix,
Ie cours droit au naufrage, & fuy ce qu’il faut ſuiure :

Ie me fâche en fâchãt les hõmes & les Dieux,
Ie ſuis las de moymeſme & me ſuis odieux,
Bref ie ne puis mourir & ſi ie ne puis viure.


XV.

Vn iour l’aueugle Amour, Diane, & ma Maiſtreſſe,
Ne pouuans ſ'accorder de leur dexterité,
S’eſſayerent de l’arc à vn but limité,
Et mirent pour le prix leur plus belle richeſſe.

Amour gaigea ſon arc, & la chaſte Deeſſe
Qui commande aux foreſts, ſa diuine beauté :
Ma Maiſtreſſe gaigea ſa fiere cruauté,
Qui me fait conſommer en mortelle triſteſſe.

Las ! Madame gaigna, remportant pour guerdon
La beauté de Diane, & l’arc de Cupidon,
Et la dure impitié dont ſon ame eſt couuerte.

Pour eſſayer ſes traits elle a percé mon cueur,
Sa beauté m’eblouit, ie meurs par ſa rigueur :
Ainſi ſur moy chetif tombe toute la perte.