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  DIANE,  



X.


Je ſuis chargé d’vn mal qui ſans fin me trauaille,
Quelque part que ie tourne il me ſuit obſtiné :
Tout conſeil, tout ſecours ſans profit m’eſt donné :
Car touſiours plus au vif ſa rigueur me tenaille.

Le lict à mes penſers eſt vn champ de bataille,
Si ie ſaute du lict ſ’en ſuis plus mal mené :
Si ie ſors, le tyran, qui me tient enchaiſné,
À toutes les fureurs pour conduite me baille.

Icy l’ardent deſir m’anime à bien aimer,
Plus pres le deſeſpoir me veut faire abyſmer :
Ie ſuis en meſme temps tout de flamme & de glace.

Sans fin meſmes diſcours ie refais & desfais,
Ô miſerable eſprit ! quel Amour, quelle Paix
D’un chaos ſi confus debrouillera la maſſe ?


XI.


Du bel œil de Diane eſt ma flamme empruntee,
En ſes nœuds blons-dorez mon cœur eſt arrêté,
Sa main victorieuſe a pris ma liberté,
Et ſa douce parole a mon ame enchantee :

Son œil rend la ſplendeur des aſtres ſurmontee,
Ses cheueux du soleil terniſſent la beauté,
Sa main paſſe l’iuoyre, & la diuinité
De ſes ſages diſcours à bon droit eſt vantee.

Son bel œil me rauit, ſon poil doré me tient,
La rigueur de ſa main mes douleurs entretient,
Et par ſon doux parler ie ſens croistre ma flame.

Voila quelle eſt ma vie, & n’ay plus de repos
Depuis l’heure qu’Amour m’engraua dedans l’ame
Son œil, ſon poil, ſa main, & ſes diuins propos.