DIANE, |
- II.
Le penser qui m’enchante, & qui le plus souvent
Selon ses mouvemens m’attire ou me repousse,
Me ravissant au monde un jour d’une secousse
Jusqu’au troisiéme ciel m’alloit hault elevant :
Et comme je táchoy de voller plus avant,
Amour qui m’apperçoit contre moy se courrouce,
Et choisit de vos yeux la flamme heureuse & douce
Pour m’empécher l’entree & se mettre au devant.
Je ne peu passer outre, étonné de la flame,
Qui de ses chauds rayons brûla toute mon ame,
Qui m’eblouit la veuë, & me fist trebûcher.
Mais bien que de vos yeux ce malheur me procede,
Tousjours je les desire, & m’en veux approcher,
En la cause du mal recherchant le remede.
- III.
Je me laisse brûler d’une flamme couverte,
Sans pleurer, sans gemir, sans en faire semblant :
Quand je suis tout en feu, je feins d’estre tremblant,
Et de peur du peril je consens à ma perte.
Ma bouche incessamment aux cris d’Amour ouverte,
N’ose plaindre le mal qui mes sens va troublant,
Bien que ma passion sans cesser redoublant
Passe toute douleur qu’autrefois j’ay soufferte.
Amans qui vous plaignez de vostre ardant vouloir,
D’aimer en lieu trop haut, de n’oser vous douloir,
N’egalez vostre cendre à ma flamme incogneue.
Car je suis tant, par force, ennemy de mon bien,
Que je cache ma peine à celle qui me tue,
Et quand elle me plaint je dy que ce n’est rien.