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  LIVRE II. 70



LXVIII.


On verra défaillir tous les astres aux cieux,
Les poissons à la mer, le sable à son rivage,
Au soleil ses rayons bannisseurs de l'ombrage,
La verdure et les fleurs au printans gracieux:

'Plustost que la fureur des rapports envieux
Efface en mon esprit un trait de vostre image;
Elle est trop bien emprainte au roc de mon courage,
Pour craindre que le sort en soit victorieux.

Bien que j'aye en aimant la fortune contraire,
Que tout soit conjuré pour de vous me distraire,
Je demeureray vostre en despit des jaloux.

En vous gist mon salut, ma foy, mon esperance,
Le ciel me fit pour vous, pour vous je pris naissance,
Pour vous je doy mourir; aussi je meurs pour vous.


LXIX.


Si j'aime antre que vous, que l'honneste pensée
Qu'Amour loge en mon coeur s'en puisse departir,
Et que vosb'e beauté, qui In'a rendu martyr,
Ne me soit jamais plus que fiere et courroucée!

Si ce n'est de vostre oeil que mon ame est blessée,
Jamais d'allegement je n'y puisse sentir,
Qu'à regret je vous serve, et, taschant de sortir,
Que de plus pesans fers ma raison soit pressée!

Si j'ayme autre que vous, Amour, tyran des dieux,
Les feux croisse en mon ame et les pleurs en mes yeux,
Et que vostre rigueur mon service rejette !

Las! je D'aime que vous, DY ne sçaurois aimer;
Je despite autre amour qui me sçeut enflamer :
lion coeur est une roche à toute autre sagette.