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  LIVRE II. 64



LI.


Cette humeur qui m'aveugle et me bande les yenl,
Coulant incessamment, pour mon bien est venuë.
Car je cesse de voir le bel oeil qui me tuë,
Et qui rend de ma prise un entant glorieux.

Non. ce n'est pour mon bien;maïs c'est quelqu'un des Dieur,
Jaloux du paradis qui bien..heuroit ma veuë,
En l'objet des heautez dont vous estes pourveuë,
Qui m'a donné ce mal, de mon aise envieux.

Quiconque sois des Dieux, cesse d'avoir envie
Que deux si beaux soleils façent luire ma vie,
Et que de leurs rayons procedent mes chaleurs.

Helas! j'achette assez les regards de ma dame,
Qui sens pour un trait dt.oeil mille pointes en l'am(',
Et pol1r un court plaisir tant de longues douleurs•


LII.


Quel supplice infernal, quelle extrême souffranoe,
Peut approcher du mal dont je suis tourmenté!
o rigoureux Amour 1si je t'ay despité,
Tu te monstres trop aigre â punir mon oft'anc('.

J'avois esté six mois, pleurant pour une absence.
L~n6uissant, desolé, couvert d'obscurité,
Vivant du seul espoir de revoir la clarté,
Qui fait fleurir mes jours par sa douce inRuenoo.

Amans, jugez ma peine: or' qu'elle est de r.etour,
Il faut pres de ses 'Yeu~, pour couvrir mon amour,
"'ue, sans la regarder, je tourne ailleurs la veuë.

Helas! je suis reduit jusqu'à si piteux point,
Qu'afin que mon amour à tous soit iDconnuè
Je feins tant, qu'elle croit que je ne l'aime point.