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  DIANE,  



XXXVIII.


Vous l'aviez invenlé, rapporteurs dangereux,
Que celle à qui je suis avoit fait nouveau cllangc,
Et par ce méchant bruit, contraire à sa loüaoge,
Il'aviez comblé l'esprit de soucis douloureux.

Son vouloir est trop renne, et son coeur gene&·eu .,
Amy de la franchise, aisément ne se range;
Je D'ay que trop connu combien elle est estrange
Et prend peu de pitié des tourmens amoureux.

Avec tant de travau quatre ans je l'ai sanie,
Que la peine à toute autt"e·en eust osté l'envic~
Voyant ses pa88ions si mal reeompenser.

Car il faut bien aimer et rien ne se prometlrc :
Quiconque, à ce voyage, apres mo)' s'ose mettre,
Ne fera long chemin avant que se lasser,


XXXIX.


Ne dites plus, amans, que l'absenoe i1ib~tnabié
T.ourmente votre esprïit d'ub mal demesuré :
Car qui laisse sa dame et s'en voit separé
N'a point de sentiment pour souffrir d~ la painc~

Ce n'est ptus rien de luy qu'un~ semb1ance vaillE:;
Qu'un corps qui ne sent rien, palle et deflguré ;
Son ame est autre part, tson esprit égaré
E~ de place en place où son desir le maine.

Oeluy qui sent son mal et qui le connoist bien
Est encore ~ivant : niais on ne sent plus rien,
llu ssï-tost que le corps est laissé de son ame.

Donc, si c'est ane mort, on peut voir clairement
Que celuy ne Cut one éloigné de sa dame,
Qui surnomma douleur un tel éloignement.