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  D’HIPPOLYTE. 116


Qu’il a pour les enfans de moins poignantes flèches,
Et qo’avecques nostre âge il croist sa cruauté.

Comme on voit bien souvent une eau foible et debile,
Qui li u coeur d’un rocher goutte à goutte dist~le
Et sert :lUX pastoureaux pour leur soif estancher,
Pa~ l’Iccroist d’un torrent plus ftere et plus hautame,
Emporter les maisoni, noyer toute la plaine,
Et rien qui soit devant ne pouvoir l’empescher.

De ma premiere amour le cours estoit semblable:
Elle erroit peu à peu, çà et là variable,
l,e IDoindre em~schement la pouvoit arrester;
Mais ce nouveau desir la rend ores si forte,
Que, malgré la raison, tous mes sens elle emporte,
Et ma foible vertu n’y peut plus resister.

O moy trois fois heureux, si ma libre pensée
Du puissant trait d’amour n’eust point esté blessée !
Tous ces autres soucis, bourreaux de nos esprits,
La Colle ambition, le soin, la convoitise,
Et tant de vains honneurs que l’ignorance prise,
Comme trop bas pour moy j’avoy tous à mespris,

Je les desdaignois tous, et n’avois point de crainte
De voir ma volonté si laschement contrainte,
Appris dés ma jeunesse à dresser l’oeil aux cieux :
Et tenant vers le cœur une si ferme roche,
Que rien pour l’assaillir n’en pouvoit faire approche,
Sinon la passion commune aux plus grands dieux,

Helas j’en suis vaincu ! je la sens qui saccage,
Comme un fier ennemy, les forts de mon courage,
Je me rens, mais en vain ; son courroux ne s’esteint.
Elle brûle mon coeur d’une flamme éternelle,