Page:Desportes - Premières œuvres (éd. 1600) II - Les Amours d'Hippolyte.djvu/75

Cette page n’a pas encore été corrigée
  D’HIPPOLYTE. 110



LXXXVI.


Je vey contant les jours et les heures passées,
Depuis que de mon bien je me suis separe,
Rt qu'avec un grand roy, des mortels adoré,
J'ay choisi pour sejour ces camp9gnes glacées.

Amour, qui vois sans yeux mes secrettes pensées,
Si je t'ay jusq1j'iey saintement reveré,
Chasse, ô Dieu! le regret dont je suis devoré,
Et tant de passions dans mon ame amassées.

•'ay qu'avec moins d'ardenr je desire à la voir,
Ou que de mon grand roy congé je puisse avoir,
Ou m'apprens à voiler et me preste tes ailes,

Ou ne fay plus long tans mon esprit égarer,
Ou tempere mon mal qu~l se puisse endurer,
Ou m'enseigne â souffrir des douleurs si cruelles.


LXXXVII.


Au nid des aquilons en la froide Scytbie,
Où jamais le soleil ne se daigne lever,
Je Ile puis, malheureux, de remede esprouver,
Amour, pour rendre en DIOY ta chaleur amortie.

Celle que de mon coeur l'exil n'a deparLie,
Il'accompagne partout, partout me vient trouvel',
Et parmy les rigueurs d'un éternel hyver,
Elle fait que Inon ame en braise est .convertie.

Mais le pl~s grand ennuy dont je suis tou.rmenlé,
C'est de sentir le feu sans en ,·oir la clail'té :
Mon soleil luit ailleurs quand plus fort il m'entlame.

N'est-ce un presage seur qu'en bref je doy mourir!
Je suis loin du plaisir qui me peut secouri.
Et porte en tous endroits le tourment de mon ame.