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  D’HIPPOLYTE. 75
XII.


Celuy qui n’a point veu le Printemps gracieux
Quand il estale au Ciel sa richesse prisee,
Remplissant l’air d’odeurs, les herbes de rosee,
Les cœurs d’affections, & de larmes les yeux.

Celuy qui n’a point veu par un temps furieux
La tourmente cesser & la mer appaisee,
Et qui ne sçait quand l’ame est du corps divisee
Comme on peut rejoüir de la clairté des cieux :

Qu’il s’arreste pour voir la celeste lumiere
Des yeux de ma Deesse, une Venus premiere.
Mais que dy-je ? ah mon Dieu qu’il ne s’arreste pas !

S’il s’arreste à la voir pour une saison neuve,
Un temps calme, une vie, il pourroit faire espreuve
De glaçons, de tempeste, & de mille trespas.


XIII.


Pourquoy si plein d’orgueil marches-tu sur ma teste,
Triomphant de l’honneur qu’un autre a merité ?
Tes dars tant crains au ciel ne m’ont pas surmonté,
Amour, c’est une Dame, & non toy qui m’arreste.

Si tu veux t’honorer du prix de ma conqueste,
Fay qu’elle me remette en pleine liberté,
Puis pren pour m’asservir cet arc tant redouté,
Qui de Jupiter mesme accoise la tempeste.

Je n’ay point peur de toy, celle qui me retient
Par l’effort de ses yeux ton empire maintient,
C’est elle qui te fait comme un Dieu reconnoistre.

Si je t’obeissois, & t’ay craint paravant,
» C’estoit pour l’amour d’elle. On endure souvent
» D’un mauvais serviteur pour l’honneur de son maistre.