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  D’HIPPOLYTE. 75
VIII.


Dieu qui fais de mon cœur ta victime sanglante,
Si prestre à ton autel jeune tu m’as rendu,
Si pour suivre ta loy mon esprit j’ay perdu,
Et si dedans le feu tes loüanges je chante :

Travaille moy tousjours, ma douleur m’est plaisante :
Cherche moy tout par tout, rien ne t’est defendu :
Mais fay que mon tourment ne soit point entendu,
Et que ma belle flamme ailleurs ne soit luisante.

Ayant d’un cœur hautain jusqu’au ciel aspiré,
Aux plus cruels tourmens je me suis preparé,
Rigueurs, gesnes, prisons, fers & feux je mesprise :

Si rien me fait pallir, c’est helas ! seulement
Que mon feu soit connu par mon embrasement,
Et que les mesdisans troublent mon entreprise.


IX.


Amour peut à son gré me tenir oppressé,
Et m’estre (helas à tort !) rigoureux & contraire :
Je veux demeurer ferme, & ne faut qu’il espere
Qu’en adorant vos yeux je sois jamais lassé.

Je voy bien mon erreur, & que j’ay commencé
(Nouveau frere d’Icare) un vol trop temeraire :
Mais je le voy trop tard, & ne m’en puis distraire,
Par la mort seulement il peut estre laissé.

Raison, arriere donc : Ta remonstrance est vaine,
Si je meurs en chemin je seray hors de paine,
Et par mon haut desir j’honore mon trespas.

Il faut continuer, quoy que j’en doive attendre :
» Ce fut temerité de l’oser entreprendre,
» Ce seroit lascheté de ne poursuivre pas.