Page:Desportes - Premières œuvres (éd. 1600) II - Les Amours d'Hippolyte.djvu/40

Cette page n’a pas encore été corrigée
  AMOURS  


Las pourquoy, malheureux, ai-je tant attendu?
Je voudroy, comme vous, m'estre plustost perdu,
Sans avoir si lODg..tans fait errer mon courage
Au gré de mille amours, inconstant et volage.

Mais je me plains à tort: mon bon-heur a souf1'ert
Que j'aye aimé devant, pour estre plus expert,
Et sçavoir mieux couvrir mon amoureuse tlame,
Quand les yeu~ d'Hippolyte auroient forcé mon ame:
L'expel'ienoe apprend. En ce commencement,
Pour estre un jour parfait j'apprenoy seulement:
Helas! pour mon malheur j'en ay sçeu trop apprendre!
Ileul'éux qui n)' sçait rieo, et n'en veut rien entendre.

Or je sçay reçonnoistre Amour pour mon vainqueur,
r...omme on vit en aimant sans esprit et sans COEur,
Comme on peut receler une douleur mortelle:
Je sçay brûler de loin et geler aupres d'elle:
Je sçay comme le sang, vers le coeur s'amassant,
De honte ou de frayeur rend un teint pallissant:
Je &ÇaY de quels ftlés la liberté s'attache,
Je sçay comme un serpent panoy les leurs se cache,
Comme on peut sans mourir mille morts esprou~,
Chercher mon ennemie et craindre Ala trouver.

Je sçay comme l'amant en l'amante se change,
Et comme au gré d'autruy de soy-mesme on a'estrange,
Comme on se plaist au mal, comme on veille en dormant,
Comme on change d'estat cent fois en un momant:
Je sçay comme Amour volle, errant de place en place,
Comme il frape les coeurs avant qu'Hies menace,
Comme il se paist de pleurs et de soupirs ardans,
Enfant doux de visage et cruel au dedans,