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  D’HIPPOLYTE. 74


IIII.


Quand je suis tout le jour de douleurs agité,
Que j’eusse au moins la nuict quelque douce allegence !
Certes la passion ha trop de violence,
Qui tousjours continue en son extremité.

Pensers, désirs, soucis, pleins d’importunité,
Hé donnez-moy de grace, un peu de patience !
Mais vous me travaillez pour punir mon offence,
De ce que j’ose aimer une divinité.

Encor en endurant ma douleur vehemente,
(Ô trop cruel destin !) celle qui me tourmente
Ignore que je meurs par l’effort de ses yeux.

Madame, helas ! monstrez que vous estes divine,
Lisez dedans les cœurs ainsi que font les Dieux,
Et voyez que mon mal a de vous origine.


V.


Puis que vous le voulez, demeurez inhumaine,
Et me faisant mourir feignez de n’en rien voir,
Vous ne pourrez pourtant ma constance esmouvoir
Car du feu de vos yeux mon ame est toute plaine.

Mon cœur est immuable, & mon amour certaine,
Les plus cruels tourmens y perdent leur pouvoir :
S’il advient que je meure en faisant mon devoir,
Vous en aurez l’offense, & j’en auray la paine.

Las ! mon mal me plaist tant, pource qu’il vient de vous,
Que je trouve en souffrant le martyre bien doux,
Et de m’en delivrer je ne prens point d’envie.

C’est pourquoy je craindroy de mourir en aimant,
Non pour fuir la mort, mais de peur seulement
De perdre mes douleurs si je perdoy la vie.