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  AMOURS
XXIV.


lia bouche â haute voix chante assez liberté,
Et dit que je suis franc d'Amour, mon adversaire;
Mais mon coeur languissant tout bas dit le contraire,
Soupirant sous le joug d'une ftere heauté.

Ames pleurs, vrais amis, je tais ma volonté,
Et qwind loin de vos yeux Amour me desespere,
Je feins d'estre contant, de rire et de me plaire,
lIonstrmt moins de douleur, plus je suis tourmenté.

Tout ce qu'Amour cruel peut songer de martire
Pour travailler un coeur rebelle à son empire,
Il veut que je resprouve en ma captivité.

Je ne me plains pourtant d'une peine si dure;
liais, helas 1je me plains de ce que je rendure,
Non par rebellioD, mais par fldelité.


XXV.


Mettez-moy sur la mer, quand elle est courrOtlcét-,
Ou quand les vens légers soument plus doucement,
Sur les eaux, en la terre, au haut du ftnnament,
Vers la ceinture ardante ou devers la glacée.

Que m~ fortune soit de.çà delà poussée,
Bien-haute aucunesfois, ~elquesrois bassement;
Que mon nom glorieux vive éternellement,
Ou que du tans vainqueur soit ma gloire effacée.

Jeune ou vieil, pres ou loin, contant ou malheureul,
Que j'aye amour propice, ou fier et rigoureux,
Que mon ame aux enfers ou auJ. cieux s'achemine;

Jamais en mon esprit tant que seray vivaJlt,
On ne verra secher cette plante divine
Que des eaux de mes pleurs j'arrose si souvant.