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  AMOURS  

XVIII.


Pourquoy si folement croyez-vous à un verre,
Voulant voir les beautez que vous avez des cieux !
Mirez-vous dessus moy pour les connoistre mieux,
Et voyez de quels traits vostre bel œil m’enterre.

Un vieux chesne ou un pin, renversez contre terre,
Monstrent combien le vent est grand et furieux :
Aussi vous connoistrez le pouvoir de vos yeux,
Voyant par quels efforts vous me faites la guerre.

Ma mort de vos beautez vous doit bien asseurer,
Joint que vous ne pouvez sans peril vous mirer :
Narcisse devint fleur d’avoir veu sa figure.

Craignez doncques, Madame, un semblable danger,
Non de devenir fleur, mais de vous voir changer,
Par vostre œil de Méduse, en quelque roche dure.


XIX.


L’arc de vos bruns sourcils mon cœur tyrannisans,
C’est l’arc mesme d’Amour, dont traistre il nous martyre :
Et ne croy point qu’en nous d’autres fleches il tire
Que les traits de vos yeux si prompts et si luisans.

De leur vive splendeur sortent les feux cuisans,
Qui font que tout le monde a peur de son empire ;
Ses rets sont vos cheveux, où toute ame il attire,
Ravie en si beaux nœux, si blonds et si plaisans.

C’est pourquoy ce vainqueur, qui par vous se fait craindre,
Ne sçauroit vous blesser, vous brûler, vous estreindre,
Prenant de vous son feu, son cordage et ses traits.