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  DERNIÈRES AMOURS. 120



VIII.


C’eſt œil du firmament touſiours reſplendiſſant,
Qui rend comme il luy plaiſt les ſaiſons differantes,
Pere des animaux, des metaux & des plantes,
Sans qui rien ici bas ne peut eſtre naiſſant.

Son voyage infini tous les ans finiſſant,
N’outrepaſſe iamais les ceintures ardantes
Du Cancre & de la Chéure, & comme les errantes
Des vapeurs de la mer va ſon feu nourriſſant.

Mon Soleil, qui ſur l’autre ha beaucoup dauantage,
De mes yeux à mon cœur fait ainſi ſon voyage,
Et ſans outrepaſſer de mes pleurs ſe repaiſt :

Mais, ô belle Planette, ô ma flamme derniere,
Helas ! vous le voyez, ie ſuis, et m’en deplaiſt,
Trop petit Ocean pour ſi grande lumiere.


IX.


Si par voſtre beauté digne d’vne immortelle,
Ie ſens geler mon ame, & mon cœur enflammer,
I’en accuſe le Ciel pluſtoſt que vous blaſmer,
La faute en eſt à luy qui vous forma ſi belle :

Et ſi volant trop haut, où mon deſir m’appelle,
L’audace ou le malheur me contraint d’abyſmer,
La faute en eſt d’Amour qui me fait vous aimer,
Et croire que la mort pour vous n’eſt point cruelle.

Mais ſi vous me voyez devant vous treſſaillir,
Reſuer, pallir, rougir, les propos me faillir,
Et me diſſimuler d’vne feinte peu caute,

Me plaire en mes penſers, me ſeparer de tous,
Et que vous ne croyez mon mal venir de vous,
Ie penſe auoir raiſon d’accuſer voſtre faute.