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  CLEONICE,  



L.


Je porte plus au cœur d’amour et de tourmens,
Qu’on ne voit dans le ciel de luisantes images,
D’eaux en mer, d’herbe aux prez, de sablons aux rivages,
Qu’un siecle n’a de jours, qu’un jour n’a de momens.

lia bouche n’ouvre pas moins de gemissemens,
Je ne cele en l’esprit moins de feux et d’orages,
Iles yeux ne luchent pas moins d’humides nuages.
Et moins mon estomach de brasiers vehemens.

Entre tant de sujets, de vaincus, de rebelles,
Qu’Amour a fait gesner en ses chartreS" cruelles,
Je suis le plus maudit et le plus languissant.

n a changé pour moy toute clouce nature :
Aux autres d’esperance il donne nourriture.
Et de pur desespoir il me va repaissant t.


LI.


Qu’avan*ie en l’aimant, sinon que je fa)’ perte
De moy, de mes soupirs, de mes pas, de mon tans ~
Helas ! que ne sont donc mes desirs moins constans,
~al1S qu’ains)’ je In’élance à ma mort toute ouvel’le !

La douleur que pour elle en trois ant\j’ay soulferte.
t’ennuy sechant mon teint en son }dus doux printalls,
Al’envy de ma foy mes douleurs augmentaus,
ta pitié de son aine assez m’ont découverte.

J’ay tant versé de pleurs qu’un marbre en fust cavé,
D.~ssus un diamant mon Inal j’eusse engravé ;
t~l je n’avance rien, tousjours elle est cruelle !

Le propre d’un sujet sans le sujet ne faut,
Le feu ne seroit feu s’il cessoit d’estre chaud,
S’elle estoit sans rigueur ce ne seroit plus elle.