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  CLEONICE,  



XXXVIII.


Si vostre esprit divin, tout au ciel adonné,
Un jour tant seulement s’abaissoit en la terre.
Pour voir de quels liens vostre rigueur m’enserre,
Alaez je me tiendrois en mes maux guerdonné.

liais depuis tant d’hyvers que je suis enchaisné,
Et que l’aveugle Amour coup dessus coup m’enferrp,
Vous ignorez encor de m’avoir fait la guerre,
Et que, vaincu de vous, je sois si mal menp.

Reconnoissez vos coups qu’autre ne m’eust sçeu fairp,
Reconnoissez les traits de vostre œil adversaire•
• : t, piteuse, à la fm dites tout bas de moy :

• Le mal de cet amant ne vient que de me suivre ;
Par trop d’affection il est mort dedans SOYa
C’est raison qu’en mon cœur je le rasse revÎ\Te.•


XXXIX.


J’avoy creu que l’espoir du fruit que l’on desire
Rendoit l’amour durable et lui donnoit pouvoir,
Et que le bien du tout impossible d’avoir,
Se desiroit sans peine et sans donner martire.

Je dure toutesfois, bien que, sous vostre empire.
Rien, sinon des tourmens, je n’attens reçevoir,
Et sens maintes douleurs mon courage esmouvoir.
Tandis qu’à l’impossible aveuglement j’aspire.

Il est vray bien souvent que mon feu si brûlant,
Faute d’un peu d’espoir, se fait moins violant,
Et qu’il reste tousjours de la glace en mon ame.

Mais je ne laisse pas d’aimer et d’endurer ;
Et, s’il m’estoit permis en aimant d’esperer,
Il n’y a rien en moy qui ne fust tout de flame.