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  CLEONICE,  



XVIII.


Ceſte belle ennemie & d’Amour & de moy,
Qui preſqu’en ſe iouant range tout en ſeruage,
Ha pour ſoldats choiſis, & pour riche equipage
L’honneur, la Chaſteté, la Conſtance, & la Foy :

Vn ſeul mauuais penſer n’a place aupres de ſoy,
La Vertu toute viue eſt peinte en ſon viſage :
Si bien que qui la voit leue au Ciel ſon courage,
Et des communs deſirs n’eſprouue point la loy.

Ses yeux ſont deux Soleils de beauté ſi parfaite,
Que d’Amour & de Mars la lance & la ſagete
N’ont point tant de pouuoir contre vne liberté :

La Grace & la Douceur ſont touſiours auec elle.
Ceſte belle Deeſſe, ah ! non ſeulement belle,
Ains Bellone & guerriere ainſi m’a ſurmonté.


XIX.


Douce fin de mes vœux, s’il vous plaiſt que i’eſcriue
Ces parfaites beautez, dont vous bleſſez les Dieux,
Faites tant que ie puiſſe en vous tenir les yeux
Durant que ie m’eſſaye à vous pourtraire viue.

Car il ne faut penſer autrement que i’arriue
Au moindre des beaux traits que vous auez des cieux,
Veu qu’il ſort de voſtre œil tant d’eſclairs radieux,
Qu’vne ſi grand’ clairté de lumiere me priue.

Faites comme Phebus quand ſon fils s’approcha,
Qui de ſon chef doré les rayons deſtacha,
Pour ne l’eſblouir pas de ſa celeſte flame.

Sinon ie ne puis dire en chantant vos beautez,
Fors que ie vey des feux, & de grandes clairtez,
Qui troublerent ma veue, & brulerent mon ame.