DERNIÈRES AMOURS. | 123 |
Et qu’il ſe rende heureux vos beautez adorant.
Mais c’eſt peu que d’vn cœur pour offrir à vos yeux,
Roys de tous les eſprits de ceux qui s’en approchent :
I’en voudroy mille & mille, à fin de pouuoir mieux
Receuoir tous les traits que ſi droit ils decochent.
Autre faueur du Ciel ie ne veux deſirer
Qu’eſtre ſeul conſommé d’vne flamme ſi claire :
Außi biẽ toute autre ame eſt pour vous trop vulgaire,
Seul d’vn ſi beau tourment ie merite endurer.
Car ie ſçay comme on ſouffre & n’y ſuis point nouueau,
Accouſtumé d’enfance aux plus cruels allarmes :
Venus au lieu de laict quand i’eſtois au berceau,
Me fit ſuccer des feux, des ſoupirs & des larmes.
Vn ſeul cry ne m’eſchape aux plus fortes langueurs,
Et pour en voir la preuue, ô ma belle aduerſaire,
Eſſayez contre moy ce que vous pouuez faire,
Choiſſißés moy pour bute aux traits de vos rigueurs.
Mais s’il faut tenir cher ce qu’on ha tout à ſoy,
Me pouuez vous bleſſer ſans vous eſtre cruelle ? .
Chacun vous peut aimer, mais non pas comme moy,
Chacun n’a pas mes yeux bien qu’il vous trouue belle.
PRiué du bel aſtre amoureux
A qui mon ame eſt aſſeruie,
Entre mille ennuis rigoureux
Le dueil ne peut m’oſter la vie.
Au retour par contraire effort,
Si l’aiſe, d’eſprit ne me priue,
Lieſſe ou douleur exceſſiue
Ne ſuffiſt pour donner la mort.