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Cette femme passa la nuit du samedi au dimanche dans une sorte d’agitation ; on l’entendoit marmoter pendant qu’elle sommeilloit.

Le dimanche qui étoit le sixième jour depuis l’opération, la malade étant levée et venant de recevoir en pleine connoissance la visite de son gendre (c’étoit vers les 8 heures du matin), on apperceut l’instant d’après qu’elle chanceloit, que sa vue s’obscurcissoit, bientôt après elle balbutia, cessa d’articuler et d’entendre, et en moins de deux heures, ses idées parurent absolument aliénées. Elle tomba dans un délire obscur et insensiblement dans un assoupissement léthargique. On remarqua dans ces premiers moments de trouble qu’elle fit plusieurs efforts pour vomir.

Vers les onze heures du matin son pouls devint de plus en plus faible, fréquent, petit, tremblotant. L’après midi, il lui coula par le nez une humeur liquide couleur de lie de vin blanc, moins d’une odeur beaucoup plus forte que celle qui jusqu’alors avoit abreuvé l’appareil. À quatre heures d’après midi, sa respiration devint haute, fréquente, embarrassée, ce qui fut le prélude et comme le signal d’une agonie trémultueuse dans laquelle elle mourut à huit heures du soir, sans avoir donné aucun signe de connoissance depuis les dix heures du matin.

Une mort aussi inopinée que prompte me rendit extrêmement curieux d’en approfondir la cause. Le rapport du gendre qui venoit d’être témoin de la mort de sa belle mère augmenta encore ma curiosité en me confirmant ce que la décédée m’avoit dit du violent coup de poing qu’elle avoit reçu sur la tête, il y avoit déjà, calcul fait, plus de sept mois. Il m’assura que depuis cette époque, elle s’étoit plainte constamment d’une douleur de tête du côté droit, et qu’il s’étoit apperçu qu’elle y portoit la main fort souvent, lors même qu’elle paroissoit occupée de toute autre chose.

L’éradication du polype ne paroissant pas avoir contribué à la mort de cette femme, je pris les mesures nécessaires pour faire l’ouverture du corps et notamment du crâne. Ce dernier étant scié et la dure mère enlevée de dessus les lobes du cerveau, ils ne me présentèrent rien de particulier à la vue : leur substance coupée horizontalement avoit la couleur et la consistance ordinaires ; mais parvenu aux grands ventricules, je les trouvai ramollis, le blanc de leur substance médullaire étoit terni, et leur courbure de derrière en devant remplie d’une humeur moins fluide que le sang et ressemblant pour la couleur à la lie de vin un peu pâle. Le plexus ou l’acis choroïde avoit l’air macéré,