Page:Despeaux - Mémoire, ARC, 1785.pdf/25

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
25

Le sang épanché étant bien exprimé de dessous les enveloppes du crâne, je fixais les bords de la playe du bas du front à la racine du nez, les sourcils à la base des paupières au moyen de plusieurs points de suture entre-coupée depuis une tempe jusqu’à l’autre ; ce que je crus nécessaire pour résister davantage à la rétraction du muscle pericranium et pour faire correspondre plus exactement chaque partie à celle qui devoit lui être réunie selon l’ordre le plus naturel. Je réunis aussi par quelques points de suture l’incision que j’avois pratiquée au milieu du décollement postérieur de la tête, laissant une ouverture seulement en forme de boutonnière au dessous de la protubérance occipitale externe, où je voulus ménager un écoulement aux sucs, comme vers la pente la plus déclive. Je me décidai d’autant plus volontiers à faire la suture dans la longueur la plus élevée de l’incision, dont je viens de parler, que la peau et le panicule adipeux y étoient excessivement allongés, plissés et tendoient à se surmonter en les raprochant. Je sçavois d’ailleurs, par expérience, qu’un lambeau de chair accompagné de périoste étoit peu sensible, et j’en eus la preuve la plus complète par le peu de douleur que le blessé témoigna pendant que je pratiquais cette opération. J’avois remarqué la même insensibilité à l’égard de la plaie du bas du front du côté de la dénudation, tandis que du côté opposé, c’est-à-dire de la racine du nez et des paupières, le blessé s’étoit plaint amèrement à chaque trait d’éguille.

Il résulte donc de là que lorsque le périoste est séparé de l’os, les enveloppes externes, auxquelles il tient alors[a 1], perdent beaucoup de leur vitalité, ce qui suppose une destruction considérable de houpes nerveuses et explique pourquoi on coupe presque sans douleur l’excédent des angles qui proviennent des incisions faites pour l’opération du trépan.

Intimement persuadé que la conglutination du périoste à l’os dépendoit de leur contact mutuel et d’une compression suffisante, je remplis ces vues par une fronde à huit chefs qui portoit sur tous les points décollés par des compresses disposées convenablement et soutenues par la capeline et finalement par le mouchoir en triangle, que je préférai au grand couvre-chef, nonobstant l’usage que j’ai de celui-ci. L’appareil fut pénétré de gros vin rouge chaud : je continuai de le faire humecter toutes les quatre heures avec la même liqueur, en recommandant de tenir le tout à un degré de chaleur convenable.

L’extrême faiblesse du blessé me fit lui prescrire le bouillon à la viande et le bon vin

  1. Déplacement de « alors » par rature entre « perdent » et « beaucoup » avec insertion sur l’interligne supérieur.