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VI

MADAME DE GRAFIGNY À CIREY. — SOUPÇONS. — SCÈNE ÉPOUVANTABLE. — DÉPART POUR BRUXELLES.

Au plus fort de ces tristes débats, Voltaire écrivait à l’abbé d’Olivet : « Ne vous imaginez pas que la vie occupée et délicieuse de Cirey, au milieu de la plus grande magnificence et de la meilleure chère, et des meilleurs livres, et, ce qui vaux mieux, au milieu de l’amitié, soit troublée un seul instant par le croassement d’un scélérat qui fait, avec la voix enrouée du vieux Rousseau, un concert d’injures méprisées de tous les esprits, et détestées de tous les cœurs[1]. » Et c’était vrai. Un témoin de leur existence d’alors nous a laissé un journal minutieux des moindres incidents de cette vie si bien remplie, et, par des indiscrétions qui n’étaient destinées, il est vrai, qu’à des amis bien chers, elle nous aura fait pénétrer dans ce docte et curieux intérieur, dont, à cette époque déjà, on colportait, comme on l’a pu voir, les plus fantastiques récits. C’est, en effet, toute une révélation que ces lettres de madame de Grafigny à son « cher Panpan » ; elles

  1. Voltaire, Œuvres complètes (Beuchot), t. LIII, p. 425, 426. Lettre de Voltaire à l’abbé d’Olivet ; à Cirey, ce 19 janvier 1739.