4 SA NATURE ARDENTE.
pour une métaphore, l’excès lui enlève toute valeur. Ardente, emportée, éprise de toutes les curiosités, jetée dans un monde sans scrupules, où les plus mauvaises mœurs se pratiquaient en plein soleil, la jeune femme, encouragée par l’exemple, peu protégée d’ailleurs par l’affection très-limitée qu’elle ressentait pour son mari, eut au moins l’excuse, dans un siècle de galanterie sans ardeurs, d’apporter dans ses faiblesses une passion sincère, des entraînements qui n’étaient pas simulés. Son cœur demandait à être occupé non moins que son esprit : elle aima de toute son âme, durant une existence que la mort devait faucher bien avant le temps. Voltaire venait un peu tard pour avoir les prémices de ce cœur enthousiaste. N’oublions pas qu’elle avait vingt-sept ans, lorsqu’il lui fut donné de la rencontrer. Quel fut son premier amant ? question toujours difficile et que nous ne chercherons pas à décider’. Ce pourrait bien être, toutefois, M. de Gué 1. Dms une lettre entortillée où madame du Chàtelet n’est pas nommée, mais où il ne peut être question que d’elle, un littérateur, G. Feydel, donne à entendre que Rousseau, placé près de mademoiselle de Breteuil pour lui apprendre le latin, ne parut que trop aimable à son élève, et que le père, averti, dut évincer celui-ci sans esclandre. Le même écrivain attribue à ce premier sentiment vite effacé et dont on ne se souvenait plus que pour en rougir, une persécution qui de la part de Voltaire fut incessante. Toute cette lettre est d’une ignorance des faits et des dates qu’on a peine à comprendre. En supposant que mademoiselle de Breteuil eût alors quatorze ans, et c’est bien le moins qu’on puisse admettre, l’auteur du Flatteur en avait cinquante. Ces chiffres rapprochés en disent assez sur l’absurdité de cette fable. A entendre Feydel, Voltaire, à Bruxelles, eût voulu attirer le lyrique dans leur intimité et eût insisté tellement que la docte Emilie, pour l’en détourner à tout jamais, n’eût rien trouvé de mieux que de calomnier odieusement Rousseau : ainsi, ce dernier eût payé les bienfaits de son père par cette Baronnade dont
