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manière de mentir et de calomnier en disant vrai. Madame du Châtelet n’était pas une beauté ; elle était grande, un peu maigre, un peu osseuse, elle était brune de peau ; nous accorderons même qu’elle avait la bouche plate et les dents gâtées vers la quarantaine. Avait-elle le nez pointu ? le portrait de Latour ne nous le présente nullement aigu ; il est sensiblement long sans doute par rapport au peu de distance qui existe entre la bouche et le menton. Mais tel qu’il est, ce visage plaît, il est harmonieux ; les yeux vert de mer sont de beaux et grands yeux clairs, d’une expression caressante même et couronnés d’épais sourcils qui sont le point de départ d’un front vaste et intelligent. Ce n’est pas une belle ni une jolie figure, c’est une figure aimable, et c’est ainsi que nous la peignent et Maupertuis[1] et madame Denis, qui cependant ne l’aime point[2]. Quant à ce goût de la parure, des colifichets et des pompons, elle en convient et s’en raille la première. Sans doute les du Châtelet étaient peu à leur aise, surtout avant le gain d’un procès dont ils durent l’issue heureuse à Voltaire. Mais la gêne n’allait point jusqu’à se passer de bas, de chemises « et autres bagatelles ; » et, si l’on prend cette énormité

  1. Isographie des hommes célèbres (Mesmer, 1828-1830), t. III. Fragment d’une lettre de Maupertuis.
  2. Voltaire, Pièces inédites (Didot, 1820), p. 289. Lettre de madame Denis à Thiériot ; Landau, 10 mai 1838. L’opinion de madame de Grafigny lui est aussi favorable, Vie privée de Voltaire et de madame du Châtelet (Paris, 1820), p. 4, 91. Voir la gravure de Langlois (1786), d’après le portrait peint par Marie-Anne Loir, d’une réunion très-vivante, et qui nous semble être de toutes les gravures que nous connaissons de madame du Châtelet incontestablement et la plus ressemblante et la plus heureuse