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AROUET CHEZ MADAME DUNOYER.

dédaignent quelquefois les outrages, parce qu’ils sont au-dessus des outrages ; mais la justice venge l’honneur des citoyens si criminellement attaqués. »

En quête de distractions, curieux d’établir des rapports avec une Française qui, sans être célèbre, ne laissait pas de faire du bruit et de se faire craindre, sinon considérer infiniment, Arouet, attiré peut-être aussi par le joli minois d’Olympe, n’eut pas de peine à forcer la porte de l’auteur de la Quintescence, qui ne la fermait guère à personne. Il eut encore moins de peine à devenir ou à se croire amoureux de mademoiselle Pimpette, dont l’abord n’eut rien que d’engageant. Ce n’était plus une ingénue : les circonstances, l’étrange éducation qu’elle avait reçue, l’avaient émancipée, et elle ne semble pas avoir démesurément fait languir son jeune soupirant. L’on se voyait tous les jours, et l’on prenait peu soin sans doute de cacher une intrigue qui ne tarda pas à être pénétrée par madame Dunoyer. Arouet ne pouvait être un mari pour sa fille ; c’était un enfant de dix-neuf ans, pétillant d’esprit et de malice, mais sans position, qui ne s’était encore révélé que par des fredaines auxquelles même il fallait attribuer son séjour à la Haye, et qui ne pouvait que compromettre sa fille dont on n’avait déjà que trop parlé. Cette fois, madame Dunoyer ne s’endormit pas ; elle alla trouver l’ambassadeur, se plaignit du tort que les assiduités de l’un des Français attachés à sa personne faisaient à la réputation de mademoiselle Olympe, et lui demanda de faire cesser ces poursuites. En toute autre circonstance, le marquis de Châteauneuf se fût borné à conseiller à cette mère de mieux surveiller et